Nous connaissons tous les concepts d’écologie et de féminisme. Mais il existe une branche de ces deux idéologies qui les rassemble : l’écoféminisme.
- Qu’est-ce que l’écoféminisme?
- Les origines de l’écoféminisme
- Les cinq principes généraux de l’écoféminisme
- Les critiques de l’écoféminisme
Qu’est-ce que l’écoféminisme ?
L’écoféminisme est une idéologie et un mouvement qui considère que le changement climatique, l’égalité des sexes et l’injustice social en général sont des problèmes intrinsèquement liés. Ils sont tous reliés à la domination masculine de la société. Plus spécifiquement, l’écoféminisme soutient que la plupart des problèmes environnementaux peuvent être attribués à la priorisation globale de qualités jugées masculines. Il s’agit plus particulièrement des qualités qui peuvent être vues comme toxiques, comme l’agressivité et l’attitude dominatrice. Ces problèmes peuvent aussi être attribués aux personnes au pouvoir qui incarnent ces attributs.
L’écoféminisme attire aussi l’attention sur le fait que les femmes sont affectées de manière disproportionnée par les problèmes environnementaux. Selon un rapport des Nations Unies, parce que dans le monde entier les femmes ont généralement moins de richesse monétaire et dépendent plus de leur environnement naturel, elles sont plus susceptibles de devoir se déplacer pour trouver des ressources. Par exemple, à cause du prolongement des saisons sèches, elles devront se déplacer pour chercher de l’eau. Des recherches montrent aussi que les femmes sont beaucoup plus affectées par les radiations que les hommes. Une étude suggère même que certains hommes peuvent avoir une aversion interne pour l’écologie, parce que cela peut être considéré comme féminin.
Il existe plusieurs subdivisions de ce mouvement, comme l’écoféminisme végan, l’écoféminisme spirituel et l’écoféminisme matérialiste. Mais elles affirment toutes que la domination masculine a provoqué une rupture entre la nature et la culture. Cette rupture a affecté aussi bien la nature que les groupes marginalisés.
Les origines de l’écoféminisme
Le féminisme est officiellement apparu au milieu du XIXème siècle. Puis il a connu des évolutions et des renaissances dans toutes ses formes. Ces dernières décennies, avec le changement climatique, les féministes ont commencé à identifier comment se rejoignent le mouvement pour l’égalité des sexes et le mouvement pour la protection de l’environnement. En 1974, Françoise d’Eaubonne a formulé le terme « écoféminisme » pour la première fois par. Selon elle, la déchéance et l’oppression des femmes, des personnes de couleur et des pauvres sont intrinsèquement liées au saccage de la nature. Le tout est le résultat de la domination patriarcale.
Au fil du temps, d’autres se sont penchés sur l’idéologie écoféministe et l’ont adopté. Des femmes comme Vandana Shiva, fondatrice et dirigeante de la Fondation de la recherche pour la science, les technologies et les ressources naturelles, et Carolyn Merchant, auteure de La mort de la nature : les femmes, l’écologie et la Révolution scientifique sont juste deux noms proéminents du mouvement depuis sa conception. On peut aussi nommer Val Blumwood, Greta Gaard, ou Susan Griffin.
Cela fait presque 50 ans que l’écoféminisme existe officiellement. De nos jours, les principes de l’écoféminisme se sont imbriqués dans le mouvement moderne du changement climatique. En effet, ceux qui plaident activement pour un changement équitable pour les personnes et l’environnement utilisent ces principes.
Les cinq principes généraux de l’écoféminisme
1 – L’oppression des groupes marginalisés et l’oppression de la nature sont liés par leur cause
La domination patriarcale, qui suppose que les attributs masculins sont supérieurs, a mené à la dégradation de l’environnement. Elle a aussi causé la marginalisation de certains groupes, incluant comme les femmes, les enfants et les personnes de couleur (liste non exhaustive). Le capitalisme a aggravé cette marginalisation, vu qu’il valorise la productivité à tout prix. Cela signifie qu’il ne valorise pas de nombreux attributs vus comme féminins, dont la nature elle-même.
2 – Nous devons remplacer notre culture de la domination par une éthique de la sollicitude
« Carolyn Merchant dit essentiellement que l’écoféminisme appelle une éthique du soin et une éthique où les décisions sont prises équitablement », explique la docteure Heidi Hutner, professeure et écoféministe. « Quand on empoisonne la Terre, on s’empoisonne soi-même, et tout vient de cette histoire de domination patriarcale où celui qui détient le plus de pouvoir a le droit de dominer, de contrôler et d’exploiter tous les autres. »
L’écoféminisme préconise de remanier le système masculin de domination et d’exploitation. Le but est de le remplacer par une éthique de la sollicitude. Il s’agit d’une approche de la moralité basée sur les valeurs féminines de soin et d’éducation. La bienveillance humaine est au centre de cette approche. Elle implique d’agir de manière prendre soin des autres en priorité.
3 – Toutes les formes d’oppression sont inacceptables et interconnectées
Avec l’écoféminisme, toutes les formes d’oppression sont inacceptables. Pour que l’écologie puisse inclure tout le monde, elle doit concerner tout le monde. Les femmes, les personnes de couleur et les membres de la communauté LGBTQIA+ affrontent tous des problèmes particuliers. Quand ces problèmes se chevauchent, leurs effets se mélangent.
« Si vous êtes une personne, une communauté, une famille ou même un pays qui fait déjà face à de nombreuses menaces, qu’il s’agisse de santé, d’inégalité, ou quoi que ce soit d’autre, le changement climatique se rajoute et rend toutes ces menaces plus intenses », déclare Katharine Wilkinson, auteure et vice-présidente de Project Drawdown. « Dans un système patriarcal, les femmes et les filles, en particulier celles qui sont pauvres ou qui ne sont pas blanches, sont déjà sur des bases inégales. Ajoutez à cela le changement climatique, et ces vulnérabilités déjà existantes s’accentuent. »
Hutner ajoute: « En fin de compte, les personnes de couleur sont celles qui souffrent le plus de l’injustice environnementale. Particulièrement les femmes de couleur. »
Prenons des exemples. Presque la moitié des décès liés à la chaleur à New York entre 2000 et 2012 concernaient des noirs. Les communautés de personnes de couleur respirent un air 38% plus pollué en moyenne. Mais en général, on ne prend pas en compte ces voix en ce qui concerne les politiques, la législation et les améliorations environnementales. Et pourtant, les personnes de couleur sont minoritaires dans le mouvement écologiste.
« Une partie de la raison pour laquelle nous avons besoin de l’intersectionnalité est que l’écologie blanche, comme le féminisme blanc, ne fonctionne tout simplement pas. Ce n’est pas efficace. Nous avons besoin de compassion, de connexion, de créativité, de collaboration », dit Wilkinson.
L’écologie ne peut pas être simplement protéger une banlieue blanche d’un nouveau développement, par exemple. Elle doit aussi agir pour la qualité de l’eau et de l’air pour les communautés noires par exemple.
4 – Comprendre ces connections est nécessaire pour un changement équitable
Pour avoir un vrai impact positif à la fois sur la dégradation de l’environnement et l’oppression des groupes marginalisés, l’écoféminisme considère qu’il faut comprendre leurs liens avec la société patriarcale. Le féminisme doit prendre en compte les soucis écologiques et vice-versa.
« Il est vraiment essentiel que nous comprenions la dynamique des genres autour des impacts climatiques », ajoute Wilkinson, « parce qu’il nous faut développer des stratégies et des approches adaptables et tenaces pour répondre à ces inégalités. »
5 – Les personnes les plus affectées par la destruction de l’environnement doivent diriger le mouvement
L’écoféminisme met l’accent sur l’importance d’avoir une direction diversifiée aux avant-gardes du mouvement. En particulier, les personnes les plus affectées par la destruction de l’environnement sont les mieux équipées pour répondre au problème et trouver les bonnes solutions. On parle ici des femmes et surtout des femmes de couleur.
« Si on parle de transformer notre économie et de notre société, il faudra transformer notre direction pour y arriver. Et il semble qu’il faudrait une direction plus féminine », explique Wilkinson. « Lorsqu’on est proche du problème, on est forcément proche des solutions. »
Les critiques de l’écoféminisme
Les plus grandes critiques de l’écoféminisme proviennent des défenseurs de l’essentialisme. Ce courant de pensée affirme qu’il existe des essences propres à chaque entité, être ou chose. Ici, on pense qu’assimiler les femmes à la nature renforce la dichotomie des rôles de genre que le féminisme cherche à éviter.
« Val Plumwood écrit sur cette idée de structures binaires et parle de la façon dont elles sont problématiques », ajoute Hutner. « C’est l’idée qu’il faut décomposer tous ces binaires : homme/femme ; noir/blanc, etc. »
De nos jours, de plus en plus de gens commencent à affirmer que nous avons tous notre propre combinaison de qualités féminines et masculines, que nous soyons hommes ou femmes. De ce fait, cette critique a perdu de sa validité.
Source: What Is Ecofeminism? History, Main Principles & Criticism (mindbodygreen.com)
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